Un grand nombre d’enseignantes et d’enseignants font déjà beaucoup de choses pour tenter de régler le problème de l’intimidation. Mais, tout comme le public en général, ils peuvent entretenir de fausses idées à ce sujet. Il arrive par exemple qu’on ne tienne pas compte de certaines formes d’intimidation parce qu’on les confond avec des stéréotypes sexuels. On s’attend à ce que les garçons se bousculent un peu rudement. On dit que les filles sont «trop sensibles» aux petits différends normaux de leurs relations ou qu’elles les prennent trop sérieusement.
Si l’élève qui a recours à l’intimidation est une athlète ou un athlète admiré, une présidente ou un président de classe ou une personne très appréciée, qui a fière allure, l’enseignante ou l’enseignant a tendance à la ou le croire davantage. Si l’élève qui subit les actes d’intimidation a aussi recours à l’intimidation parfois, l’enseignante ou l’enseignant va alors bien souvent rationaliser la situation en se disant « qu’elle ou il n’a que ce qu’elle ou il mérite ».
Bien des enseignantes et des enseignants sont aussi mal à l’aise d’intervenir si l’intimidation est de nature homophobe. Quand il s’agit d’intimidation cybernétique, ils sont parfois incertains de ce qu’ils peuvent faire. Ils sont culturellement enclins à sous-estimer la portée endémique de l’intimidation à caractère social et émotionnel qui peut se répandre dans les groupes de jeunes filles.
Les enseignantes et les enseignants sont responsables du bien-être physique, émotionnel et social de leurs élèves pendant qu’ils en ont la garde. De plus, l’estime de soi est la variable la plus importante du processus d’apprentissage. Bloom affirme que les aspects affectifs et cognitifs représentent les deux côtés de la même médaille. Il faut prendre des risques pour apprendre, et pour accepter de prendre des risques, il faut avoir une bonne estime de soi. L’intimidation détruit l’estime de soi d’une ou d’un élève ainsi que l’environnement d’apprentissage sûr et sain dont elle ou il a besoin. Les besoins de l’apprenante et de l’apprenant sont incompatibles avec les actions de la personnalité antisociale des élèves qui ont recours à l’intimidation. Plus ces derniers ont de l’influence à l’école, plus les enseignantes et les enseignants auront de la difficulté à enseigner la matière prévue au programme.
Il y a deux facteurs importants qui déterminent l’efficacité de l’intervention d’une école en cas d’intimidation : la volonté du personnel scolaire de mettre fin aux actes d’intimidation et le niveau de collaboration du personnel. La direction peut influencer ces deux facteurs d’une façon autant positive que négative. Ces facteurs ne relèvent cependant pas uniquement du domaine de la direction. Une enseignante ou un enseignant qui s’engage à long terme à la prévention de l’intimidation obtiendra des résultats positifs dans sa salle de classe. En collaborant avec des collègues également engagés, une enseignante ou un enseignant peut susciter le même engagement dans la salle de classe avoisinante ou persuader d’autres enseignantes et enseignants d’en faire une priorité.
La salle de classe n’est toutefois pas hermétique et les élèves qui ont recours à l’intimidation sont stimulés par le manque de cohérence entre les membres du personnel scolaire. Le leadership de la direction de l’école est essentiel : si la personne à la direction n’adopte pas un programme de prévention de l’intimidation destiné à l’ensemble de la communauté scolaire (c’est-à-dire à la direction de l’école, au personnel scolaire, aux parents et aux élèves), le problème persistera et toutes et tous en souffriront. Pour en savoir plus, veuillez consulter la section Programme de prévention de l’intimidation destiné à l’ensemble de la communauté scolaire.
Il faut faire preuve de beaucoup de courage, qu’il s’agisse d’une ou d’un enfant ou d’une ou d’un adulte, pour intervenir dans une situation d’intimidation. Il faut prendre garde de ne pas avoir deux poids, deux mesures au moment d’examiner le comportement des élèves qui sont témoins d’actes d’intimidation. En milieu de travail, par exemple, les adultes qui sont témoins d’actes d’intimidation interviennent dans environ 20 % des cas. Il faut aussi prendre garde de ne pas trop simplifier les raisons qui motivent les élèves à ne pas intervenir plus souvent.
Il est certain que nous ne voulons pas qu’une ou un élève s’interpose physiquement pour mettre fin à des actes. Nous voulons plutôt qu’elle ou il aille en parler à une ou un adulte en qui elle ou il a confiance. Un certain nombre d’élèves, bien sûr, craignent les élèves qui ont recours à l’intimidation parce qu’ils ont du pouvoir. En plus, ils veulent éviter d’être étiquetés comme des porte-panier. Une étude réalisée en 2000 par Debra Peplar et Wendy Craig démontre que les élèves sont témoins de 85 % des actes d’intimidation. Si l’on tient compte du fait qu’environ 50 % des élèves croient que rien d’efficace ne sera fait même s’ils signalent des actes d’intimidation, il est facile de comprendre pourquoi les témoins interviennent si peu souvent. Les élèves ont besoin de voir que les enseignantes et les enseignants s’engagent, de façon proactive et cohérente, à essayer de prévenir l’intimidation dans la salle de classe et dans l’ensemble de l’école. Il importe de ne pas laisser passer une injure, une remarque humiliante ou une insulte dans l’école ou dans la cour. Il importe également d’examiner sérieusement tous les indicateurs d’actes d’intimidation et d’en prendre note dans un registre central. Il est important que les enseignantes et les enseignants démontrent une attitude respectueuse envers tous les élèves, utilisent le renforcement positif, encouragent l’apprentissage par l’essai et l’erreur et comprennent et acceptent les différences des autres. Si les élèves croient fermement que nous avons à cœur la prévention de l’intimidation, que nous les respectons en tant que personnes et que nous prenons leurs confidences au sérieux, ils auront suffisamment confiance en nous pour nous approcher et nous aider à éliminer l’intimidation à l’école.
Les personnes qui subissent des actes d’intimidation ont peur que la situation s’aggrave si elles en parlent. Elles ont honte et se sentent coupables parce qu’elles ne parviennent pas à faire face à la situation, ce qui les rend anxieuses et malheureuses. Elles souffrent d’isolement et d’exclusion. Elles peuvent avoir de la difficulté à nouer des relations interpersonnelles et avoir des problèmes d’apprentissage, peu importe leurs capacités. Elles peuvent démontrer des signes de dépression, avoir de la difficulté à dormir, tomber malade, avoir des problèmes à se concentrer sur les travaux scolaires et refuser régulièrement d’aller à l’école. Elles peuvent être impliquées dans des bagarres et même en être tenues responsables, même si elles n’ont pas choisi d’y participer. Plus elles subissent des actes d’intimidation, plus elles se sentent isolées, plus les personnes qui se livrent à l’intimidation sont capables de les déshumaniser. Tout comme les personnes qui ont recours à l’intimidation, elles courent davantage de risques d’adopter des comportements antisociaux à l’adolescence et à l’âge adulte.
Pour parvenir à être efficace au fil du temps, les cours de prévention de l’intimidation doivent être intégrés plutôt « qu’ajoutés » au curriculum à enseigner. Le curriculum offre déjà tout un éventail d’occasions de faire davantage de prévention de l’intimidation. La base de toute politique sur l’intimidation repose sur la croyance qu’il faut coopérer pour le bien de toutes et de tous, se respecter et respecter ses pairs et les élèves. C’est la même croyance qui est au cœur du processus d’apprentissage et d’enseignement. Peu importe le niveau, le sujet ou le contenu du cours, une ou un élève ne pourra tirer le maximum de l’enseignement que si elle ou il se sent en sécurité sur le plan physique, social et émotionnel dans l’environnement d’apprentissage et que si elle ou il se sent appréciée ou apprécié par ses pairs et les adultes. Tous les élèves ont le droit d’être respectés et ont le droit d’apprendre, et les deux sont étroitement liés.
Une école qui s’efforce de maintenir un environnement complètement exempt de sexisme, de racisme, de harcèlement à caractère culturel ou homophobe ou axé sur les capacités, d’injures, de remarques humiliantes et d’insultes mine le pouvoir des élèves qui ont recours à l’intimidation et renforce le pouvoir des autres élèves.
Voici quelques suggestions:
- Mettez fin à toutes les formes de harcèlement, y compris les injures à caractère racial, socio-économique, sexiste, sexuel ou culturel ou axées sur les capacités. Il faut réagir à chaque incident. Les élèves qui ont recours à l’intimidation recevront le message que leur comportement est inacceptable. Celles et ceux qui subissent les actes comprendront qu’elles ou ils n’ont rien fait de mal et qu’elles ou ils ne sont pas seuls à résoudre le problème.
- Ne laissez pas les élèves banaliser le comportement inapproprié. Les élèves qui emploient un langage inapproprié et même celles et ceux qui sont visés par ces paroles vont souvent prétendre qu’il s’agissait uniquement d’une blague, qu’ils ne voulaient offenser personne ou que tout le monde parle ainsi. Mettez en question cette attitude.
- Si vous remarquez qu’une ou un élève semble exclue ou exclu ou malheureuse ou malheureux, parlez-lui en privé et en toute confidentialité. Avoir une personne à qui se confier peut servir à soulager l’élève. Les parents, les conseillères et les conseillers en orientation, la direction et d’autres personnes-ressources pourraient aussi être en mesure de l’aider.
- Soyez proactive ou proactif et utilisez toute une gamme d’approches pour examiner les différents types d’intimidation, par exemple, en mettant à l’étude des livres qui traitent d’intimidation, en s’inspirant des médias ou en demandant aux élèves de tenir un journal de bord. Consultez le document Ressources pour les salles de classe et les élèves pour avoir d’autres idées. Consultez le document Intégration dans le curriculum pour en savoir plus sur la façon d’intégrer le sujet de la prévention de l’intimidation le plus souvent possible. Utilisez des stratégies d’apprentissage coopératif. L’apprentissage coopératif permet en outre d’acquérir tout un éventail d’aptitudes intellectuelles, en plus de développer les aptitudes dont les élèves ont besoin pour reconnaître et contrer les préjugés, la discrimination et la bigoterie de toutes sortes.
- N’oubliez pas que la discipline est une composante du curriculum, et que tout programme devrait servir à améliorer l’estime de soi des élèves, à les faire participer à des activités constructives, utiles, intéressantes, à la fois stimulantes et exigeantes, à favoriser la confiance et la collaboration et à éliminer les stéréotypes.
- N’utilisez pas les techniques de résolution des conflits par les pairs pour régler un cas d’intimidation, en particulier s’il y a exclusion. Pour vous aider à différencier entre la résolution des conflits et l’intimidation, consultez le document Conflit vs Intimidation – Fiche de travail pour le personnel enseignant et scolaire. L’élève qui a recours à l’intimidation conserve son pouvoir en pareil cas, et peut facilement renverser le processus. Si la politique sur l’intimidation de votre école n’inclut pas un mécanisme pour aider les élèves à améliorer leur aptitude, à avoir de l’empathie et à comprendre l’intimidation en décortiquant la situation, créez vous-même un mécanisme en consultant notre document Mettre fin à des actes d’intimidation en neuf étapes). Il est préférable de conseiller séparément les élèves qui ont recours à l’intimidation et ceux qui subissent leurs actes. Le temps en salle de classe est précieux, mais il faut prendre le temps de conseiller et de guider les élèves afin de mettre fin à l’intimidation.
Afin d’assurer le succès d’un programme de prévention de l’intimidation, il faut faire participer les parents à la planification du programme et à sa mise en œuvre. Il faut les informer, les consulter souvent et les traiter comme des partenaires à part entière dans le processus de prévention de l’intimidation. C’est en travaillant de concert avec la collectivité qu’une école peut adopter les meilleures mesures pour promouvoir un environnement axé sur la collaboration et l’inclusion et dénué d’intimidation.
L’école doit informer la collectivité de ses activités et de ses actions par rapport à l’intimidation. Les parents ont besoin de savoir ce qui constitue des actes d’intimidation, les facteurs à la maison qui peuvent amener un enfant à avoir recours à l’intimidation, les signes qui pourraient les aider à déterminer si leur enfant a recours à l’intimidation ou subit de l’intimidation et les gestes qu’ils peuvent poser pour mettre fin à des actes d’intimidation. L’école peut organiser des séances d’information pour les parents, inviter des personnes-ressources de l’école et d’autres organismes et envoyer régulièrement des bulletins sur l’état actuel de la recherche ou les nouveaux livres qui traitent de l’intimidation.
Une école pourrait bénéficier des commentaires de la collectivité et lui offrir l’occasion de poser des questions. Un questionnaire tel que notre Échantillon de sondage sur le climat scolaire peut se révéler utile pour rappeler aux parents quels comportements constituent de l’intimidation, pour leur permettre de transmettre leur opinion sur l’intimidation dans l’école et à l’extérieur et de renforcer l’importance que l’école attache à la prévention de l’intimidation.
Quand les parents se sentent les bienvenus à l’école et constatent que leur participation est appréciée, ils sont plus portés à collaborer pour prévenir l’intimidation. La précieuse contribution des gens de la collectivité ne peut qu’alimenter et améliorer un programme de prévention d’intimidation. L’inclusion des parents dans les initiatives de l’école sert à réduire la séparation entre la maison et l’école.
En dernier lieu, les enseignantes et les enseignants ont intérêt à communiquer avec les parents pour obtenir des renseignements chaque fois qu’ils s’inquiètent du comportement d’une ou un élève. En travaillant ensemble, les parents et les enseignantes et les enseignants peuvent réduire les effets néfastes de l’intimidation sur l’enfant, qu’elle ou il intimide, en soit la victime ou témoin. L’Internet et l’intimidation cybernétique qui s’y rattache exigent une collaboration étroite entre les parents et le milieu scolaire afin de développer des approches constantes et efficaces pour traiter de la question.