Le mythe de la tolérance zéro

Les politiques d’école dite de « tolérance zéro » peuvent souvent être marquées par une approche obligatoire au comportement inadéquat, appliquée sans distinction de circonstances particulières. C'est pour cette raison, que ces politiques sont souvent controversées et jugées comme étant punitives, rigides et impersonnelles, donc injustes, et par conséquent, inefficaces.

Nous savons bien qu’une attitude de non-tolérance envers l’intimidation est un élément essentiel d’une politique contre l’intimidation. Les écoles doivent communiquer une telle attitude aux élèves aussi bien au niveau de la politique que de son exécution. De plus, pour être efficace, il est nécessaire que les conséquences pour l’intimidation – ainsi que pour d’autres formes de violence – soient perçues comme étant justes, logiques et propres à chaque cas. Elles doivent aussi être équitables et cohérentes. Cette perception contribue à la création d’un climat scolaire où règnent la sécurité, la force et la liberté.

Au printemps 2007, le gouvernement de l’Ontario a modifié les dispositions de la Loi sur l’éducation qui portent sur la sécurité dans les écoles. L’objectif était de changer complètement les mesures qui vont obligatoirement de pair avec une politique dite de tolérance zéro. Une politique semblable peut bien souvent être appliquée d’une façon punitive et inéquitable et– en conséquence– être inefficace. Mais attention, le système scolaire continue à ne pas tolérer les comportements inappropriés.

Le gouvernement veut rendre les écoles plus sûres et mettre davantage l’accent sur les comportements qui sont acceptables dans nos écoles. Voilà pourquoi l’intimidation est devenue une infraction pouvant donner lieu à une suspension ou à une expulsion.

Toutes les sections d’une politique sur l’intimidation doivent, dans l’ensemble, transmettre le même message: l’intimidation n’est pas tolérée. Il est essentiel que les écoles communiquent ce message à leurs élèves et prennent des mesures constructives en ce sens. Il importe que les élèves perçoivent les conséquences de tout acte d’intimidation– et de toute autre forme de violence– comme étant justifiées, équitables et cohérentes. C’est ainsi que l’on créera véritablement une culture axée sur le droit d’être en sécurité, forte, fort et libre à l’école.

L’attitude de non-tolérance est extrêmement importante, mais la recherche de stratégies positives et constructives pour la concrétiser dans les faits n’est pas toujours chose facile. L’aspect pratique de l’application d’une politique de non-tolérance de l’intimidation et d’autres formes de violence peut se révéler complexe, tout comme le problème de la violence lui-même. Même si toutes les formes de violence sont liées, chacune d’entre elles est aussi unique d’une certaine façon et possède sa propre dynamique. Voici quelques caractéristiques propres à l’intimidation.

  • déséquilibre des pouvoirs
  • intention de faire du mal
  • répétition dans le temps
  • détresse de la personne qui subit les actes, accompagnée bien souvent de peur ou de terreur
  • la personne qui a recours aux actes prend plaisir à constater ces effets sur la personne qui subit les actes
  • menace– implicite ou explicite– d’autres agressions

La présence ou l’absence de l’une ou l’autre de ces caractéristiques est un facteur important à considérer pour décider de la mesure qui s’impose dans chaque cas d’intimidation. Par exemple, il importe de prendre une mesure précise adaptée à la situation et aux élèves impliqués pour chacun des cas ci-dessous.

1. Intimidation : Presque chaque jour après l’école, un élève très en vue intimide un autre élève. Il semble prendre beaucoup de plaisir à insulter le garçon, ce qui fait rire les autres élèves. Il finit toujours par battre le garçon pendant que les autres regardent. Ce garçon passe la journée à avoir peur et à redouter la fin de chaque journée.

2. Témoins : Il y a différents types de témoins. Certains regardent et ne font ou ne disent rien. D’autres se retirent. D’autres encore sont malheureux et anxieux. Les actes en font rire d’autres, qui semblent de toute évidence apprécier voir l’élève souffrir. D’autres encore encouragent l’élève qui intimide en criant aussi des insultes ou en frappant eux-mêmes l’élève qui subit les actes.

3. Autodéfense : Un jour, après l’école, le garçon qui subit les actes se retrouve encerclé par des élèves qui regardent, comme d’habitude, pendant qu’on se moque de lui. Il sait ce qui va se passer. C’est la même chose depuis des mois. Il sait qu’il va bientôt se faire battre. Quand l’élève le coince dans un coin, il le frappe en premier et s’enfuit en courant.

4. Vengeance : Le garçon qui subit l’intimidation n’en peut plus. Un jour, pendant qu’il se rend à l’école, il croise l’élève qui l’intimide depuis des mois. Furieux et hors de lui-même à cause de la torture et du rejet qu’il endure à l’école, il explose et frappe l’élève plusieurs fois avant de s’enfuir.

Voici un dernier cas tout à fait différent.

5. Conflit menant à une bagarre entre deux élèves: Deux élèves de la même classe, qui ont confiance en eux-mêmes et ont du succès auprès des autres élèves de la classe, commencent à rivaliser peu à peu entre eux. Chacun essaie d’être mieux que l’autre et d’attirer davantage l’attention des autres élèves. Un jour après l’école, un des deux élèves suit l’autre et commence à l’insulter. L’autre réagit en l’insultant à son tour. Le premier élève frappe le deuxième. Le conflit s’envenime et une bagarre éclate.

Il est important que les conséquences et les sanctions soient appliquées d’une façon cohérente dans tous les cas d’intimidation et de violence. Mais réagir efficacement à ces différentes situations pose un certain nombre de défis, en plus de nécessiter bien des ressources et une petite montagne de créativité! Voilà pourquoi il peut être nécessaire de planifier un peu et de consulter d’autres personnes au moment de réfléchir à l’intervention qui serait à la fois juste et efficace. Idéalement, le code de conduite et la politique sur la prévention de l’intimidation devraient offrir suffisamment de souplesse et de soutien aux adultes pour qu’ils puissent utiliser leur jugement d’une façon discrétionnaire dans chaque situation.

Transformer un cas d’intimidation en possibilité d’apprentissage peut demander beaucoup d’efforts, de communications et d’interactions entre l’adulte et les élèves impliqués. Mais la participation active et respectueuse des adultes à la vie sociale des élèves est un excellent «dissuasif».

Dans son livre The bully, the bullied and the bystander, Barbara Coloroso donne l’exemple d’une mesure précise et adaptée qui porte fruit.

«[…] un élève a décidé d’inscrire la liste des personnes qui l’intimidaient au verso d’un document remis en classe. Les parents de certains des élèves inscrits sur la liste ont insisté pour que la directrice de l’école fasse quelque chose. Et c’est ce que la directrice Frans Weits a fait, mais pas de la façon dont ils s’y attendaient. Elle a ouvert une enquête. On a demandé aux élèves ce qu’ils avaient fait à leur camarade pour mériter d’avoir leur nom sur la liste. Elle a ensuite demandé des explications à toutes les personnes impliquées dans l’incident, soit les personnes qui se livraient à l’intimidation, les «hommes de main», tous les témoins et la personne qui avait écrit la liste. Voici les propos de la directrice qui ont été rapportés par la suite dans le journal local:

«“Compte tenu de ce qui s’est produit dans les secteurs des environs, l’école San Marcos a maintenant une politique de tolérance zéro pour ce qui est de l’intimidation. Et tout le monde– membres du personnel enseignant, personnel de l’école, élèves et parents– est avisé que les élèves seront tenus responsables de tous leurs gestes, du harcèlement verbal à l’agression physique.”.» [Traduction libre]

(San Diego Tribune, 14 avril 2001)

L’intimidation est une forme de cruauté. Pour éliminer l’intimidation, il faut qu’ un changement profond s’opère tant chez l’élève qui intimide que chez les élèves qui encouragent, tolèrent ou soutiennent les actes. Mais comment susciter ce changement? En créant un milieu qui amène les pairs à s’unir pour décourager la cruauté envers les autres et soutenir et défendre les personnes qui subissent les actes d’intimidation.

Il est essentiel que la discipline appliquée dans l’école semble juste, logique et pertinente aux yeux des élèves si vous voulez les rallier à votre cause et qu’ils vous aident à réaliser un changement d’une telle importance. Et cela est seulement possible si les politiques de l’école permettent de tenir compte de la dynamique propre à chaque cas d’intimidation.