Utiliser notre pouvoir

Certaines personnes peuvent tirer des privilèges du fait qu’elles appartiennent à un groupe social dominant. Ce pouvoir est changeant selon les contextes, tout comme notre identité.

Pouvoir, privilèges et identités changeantes

Comme individus, nous ne sommes pas restreints à une identité unique et fixe. Elle est changeante et multiple, influencée par plusieurs éléments. Le vécu, la famille, les modèles accessibles, la vie quotidienne, les milieux que nous fréquentons, nos interactions, nos expériences personnelles, nos opinions et nos idées sont tous des facteurs qui peuvent modifier notre identité et la rendre flexible et dynamique.

Par exemple

  • Une personne pourrait s’identifier comme Arabe en raison de son lieu de naissance, Canadienne en raison de son lieu de résidence, femme en raison de ses positions politiques, Franco-Ontarienne en raison de son milieu d’engagement communautaire et lesbienne en raison de son orientation sexuelle. Il est donc possible d’appartenir à plus d’un groupe à la fois. (Voir Sabine.)
  • Parfois, nous sommes membres de groupes qui ont plus de pouvoir, et parfois de groupes qui en ont moins. Lorsque nous sommes membres d’un groupe dominant, cette appartenance peut accorder certains privilèges. Cependant, personne ne détient un pouvoir absolu dans tous les contextes, tout le temps. Et personne n’a absolument aucun pouvoir dans toutes les situations, tout le temps. Nous avons tous un certain degré de pouvoir personnel, de capacité d’agir et de choisir jusqu’à un certain point. Les circonstances varient et peuvent augmenter ou diminuer notre pouvoir personnel. (Voir Dina.)

La construction de l’identité : un choix

La construction de l’identité est un processus d’autoréflexion, libre et basé sur le choix. En Ontario français, nous avons depuis longtemps appris l’importance de cheminer avec l’élève dans son affirmation identitaire et de poser des gestes concrets pour lui permettre de développer un sentiment d’appartenance à la communauté franco-ontarienne.

L’identité est

  • une lentille par laquelle nous voyons le monde et dans lequel nous y concevons notre place;
  • un fondement sur lequel nous prenons position devant les enjeux sociaux;
  • un pont à partir duquel nous tissons des rapports avec les autres.

La création d’un sentiment d’appartenance à un groupe (sentir qu’on fait partie d’un groupe) s’effectue en corrélation avec le développement de son identité et d’un rapport à un espace particulier.

Par exemple

  • un élève peut sentir que son école de langue française est un milieu qui lui appartient et où il peut s’épanouir,
  • l’enfant d’une famille immigrante peut avoir un sentiment d’appartenance au pays d’origine de ses parents,
  • une jeune lesbienne peut s’exprimer librement dans un centre communautaire où elle fait du bénévolat.

Selon L. Paiement (2007), l’identité se construit à partir d’un processus qui se déroule en trois étapes :

  • La prise de conscience (p. ex. connaître des choses au sujet de son histoire, de sa culture et de ses symboles, valoriser ses expériences personnelles et son vécu);
  • La prise de position (p. ex. participer aux activités associées à son groupe d’appartenance, s’exprimer et s’identifier publiquement par rapport à son identité);
  • La prise en charge (p. ex. prendre position relativement à son identité de façon quotidienne, exprimer la fierté de son identité, s’engager par rapport à son identité, se joindre à des groupes qui militent pour les droits).

(Dans le document du ministère de l’Éducation de l’Ontario, « Une approche culturelle de l’enseignement pour l’appropriation de la culture dans les écoles de langue française de l’Ontario : Cadre d’orientation et d’intervention », 2009, p.66.).

Avoir de multiples identités signifie que nous pouvons passer par les trois étapes de la construction identitaire à plusieurs reprises. C’est-à-dire, nous pouvons avoir :

  • plusieurs prises de conscience (en raison de notre évolution dans le temps);
  • de nombreuses prises de position (participer à la Fête de la fierté gaie et célébrer le Ramadan, à la fois);
  • diverses prises en charge (manifester pour les droits des femmes à l’équité salariale et exiger des services en français).

Identité imposée

Lorsqu’on impose une identité à une personne, elle peut la ressentir comme étant restrictive. Par exemple, si on cible un élève dans une salle de classe et qu’on le force à parler publiquement de son identité, l’expérience peut être négative. C’est vrai même si son identité est importante et positive à ses yeux, car il n’a pas fait le choix de la révéler. (Voir Élisabeth.)

Examiner le pouvoir et les privilèges

Un privilège est un ensemble d’avantages accordés automatiquement à un groupe social dominant, parfois sans même que ses membres en soient conscients. Puisque leur perspective prédomine, ces personnes peuvent conclure que leurs idées, leurs valeurs et leur style de vie sont tout simplement « normaux ».

Les bénéficiaires de ces avantages ne sont pas nécessairement des personnes racistes, sexistes ou homophobes. Une personne qui a des privilèges n’est pas responsable de les avoir acquis. Mais si nous sommes conscients de nos privilèges et de notre pouvoir, nous pouvons poser des gestes pour réduire la vulnérabilité des personnes qui en ont moins.

Comme personnes occupant une position d’influence dans le milieu scolaire, les membres du personnel scolaire et les élèves peuvent poser des gestes pour réduire les répercussions du racisme, du sexisme et de l’homophobie.

Assumer ses responsabilités

Nous pouvons assumer nos responsabilités quant au statut social que nous obtenons grâce à notre identité en tentant de minimiser le déséquilibre de pouvoir et en utilisant notre pouvoir de façon positive. Nous pouvons faire beaucoup de choses pour établir graduellement des collectivités équitables et inclusives. (Voir Favoriser l’équité et Stratégies d’actions positives.)

Certains « pièges » à éviter

Les rouages du pouvoir, les privilèges et l’identité sont aussi complexes que notre société. Même avec les meilleures intentions, nous pouvons parfois tomber dans des pièges qui finissent par renforcer le déséquilibre de pouvoir.

  • Nous pouvons dire qu’on ne « voit pas la couleur de la peau » des personnes, c’est-à-dire que pour nous, tous les gens sont égaux et que nous ne faisons aucune distinction. Or, cette attitude peut nous prédisposer à ne pas tenir compte des besoins particuliers des personnes qui appartiennent à un groupe marginalisé.
  • En nous efforçant d’assurer l’équité et l’inclusion pour toutes et tous, nous pouvons penser qu’une personne d’un groupe marginalisé « représente » les besoins ou les perspectives de ce groupe. Ces petites mesures deviennent symboliques si elles créent une apparence d’équité et d’éducation inclusive, sans changer les conditions sous-jacentes qui peuvent exclure certains groupes.
  • En voulant établir un environnement où personne ne se sent blessée ni exclue, il arrive que l’on parle à tort de « discrimination inverse », c’est-à-dire que nous pensons faire de la discrimination en ciblant d’une manière ou d’une autre une personne qui jouit d’une position sociale privilégiée. Le racisme, le sexisme et l’homophobie constituent de la discrimination systémique. (Voir Racisme, sexisme et homophobie : Problèmes sociaux.) Cela dit, il est important de prendre au sérieux et de faire cesser tout acte visant à faire souffrir ou à cibler une personne issue d’un groupe privilégié car il s’agit d’une forme d’injustice dommageable. Toutefois, cette forme d’injustice est différente de la discrimination fondée sur la marginalisation sociale. Il importe d’adopter une approche différente pour résoudre ce problème.

Réflexion sur l’usage du pouvoir

Prenez quelques minutes pour noter vos réponses aux questions suivantes :

  • Qui suis-je? Écrivez quelques lignes sur vous-même et les différentes composantes de votre identité sociale. Avec quel groupe social partagez-vous de choses en commun?
  • Comment je m’identifie? Quels sont les aspects de votre identité qui sont importants et pourquoi? Lesquels ne sont pas aussi importants et pourquoi?
  • Quels sont mes privilèges? Imaginez-vous hors du groupe (ou des groupes), auquel vous appartenez. Quels seraient les désavantages de ne pas faire partie de ce groupe (ou ces groupes)? Quels seraient les avantages?