Défense de l’enfant

Les jeunes ressentent le besoin de savoir que des adultes agiront en leur nom et prendrons leur défense au besoin. Malheureusement, tel n’est pas toujours le cas. Un grand nombre de facteurs – à la fois personnels et systémiques – peuvent faire obstacle à la capacité des parents d’assumer ce rôle. (Voir Comprendre les parents.)

Les enseignantes et enseignants peuvent se rendre compte qu’un parent ne croit pas que son enfant fait l’objet d’intimidation ou qu’elle ou qu’il exagère le problème ou les dommages. Il peut arriver que des parents aient de la difficulté à accepter une démarche fondée sur la prise en charge et la résolution de problèmes pour travailler avec l’élève qui est la source de l’intimidation. Ils peuvent réagir avec une colère, une sévérité ou une négativité démesurées envers leur enfant, en nous exhortant à « prendre toutes les mesures nécessaires avec lui ou avec elle ». Les parents qui punissent leur enfant à la maison quand nous avons déjà appliqué les conséquences naturelles à l’école peuvent venir détruire la capacité du message positif que nous tentons de transmettre : « Nous croyons en toi. Nous croyons que tu peux changer et apprendre de nouveaux comportements ».

Dans le cas d’élèves marginalisés ou perçus comme étant un peu « différents » qui sont la cible d’intimidation, il arrive parfois que leurs parents ne soient pas certains eux-mêmes que le comportement de leur enfant est acceptable. Ils peuvent se poser des questions et avoir leurs propres doutes, ce qui les empêche de soutenir leur enfant. Pensons par exemple au genre de situations suivantes :

  • un élève de sexe masculin qui veut porter une robe;
  • une élève présentant un trouble d’apprentissage.

Dans toute situation de ce genre, les enseignantes et enseignants peuvent se donner pour rôle de défendre leur élève. Il peut s’agir d’éduquer et d’informer les parents. Comme dans la plupart des interactions avec des parents, aussi difficiles et compliquées soient-elles, la meilleure approche consiste à commencer par écouter, à chercher à comprendre les croyances et les valeurs entraînant les attitudes et les comportements que nous voyons se manifester, puis de laisser notre empathie ressortir. (Voir Écoute active.)

Les mots pour le dire
  • « Je constate que vous manifestez de la colère avec votre enfant en raison de son homosexualité. Je voudrais m’assurer de bien comprendre ce que cette réalité représente pour vous. Pouvez-vous m’en dire plus? »
  • « J’ai l’impression que vous vous posez des questions à ce sujet depuis un certain temps. Il semble que vous sentiez bien seuls. Cela vous rassurera peut-être de savoir que vous n’êtes pas les seuls parents, tutrices ou tuteurs qui vivent cela difficilement. »

Une fois que nous avons l’impression que les parents se sentent entendus et compris, nous pouvons passer à l’échange d’information et à la résolution de problèmes. Nous pouvons en profiter pour mentionner certains éléments particuliers concernant nos valeurs et notre position et celles de l’école.

Les mots pour le dire
  • « Je travaille avec votre enfant depuis quelques mois déjà. Elle a beaucoup d’énergie. Elle adore travailler avec les autres élèves. Elle est très curieuse. J’ai la conviction qu’elle peut réfléchir à son comportement et changer. Les politiques et procédures de l’école sont conçues pour donner aux élèves cette chance. »
  • « Je sais que vous avez bien des doutes quant à la manière dont votre enfant exprime son identité sexuelle. Je voudrais que vous sachiez que ma position tout autant que celle de l’école est de respecter les différences des élèves, peu importe leur nature. Votre enfant a sa place dans notre école. Nous ferons tout en notre pouvoir pour faire en sorte qu’il se sente libre d’être lui-même. Avez-vous des suggestions quant à la manière dont nous pourrions travailler ensemble en incluant votre fils pour que nous puissions y arriver? »

Il pourrait arriver que nous ayons à avoir une conversation au sujet des croyances ou attitudes qui vont à l’encontre de nos valeurs et de notre approche et de celles de l’école. N’oublions pas que nous avons la responsabilité de défendre nos élèves. Pour cette raison, et en tant qu’allié.e.s pour l’équité et l’éducation, et comme professionnel.le.s œuvrant pour favoriser l’apprentissage et la prise en charge des élèves, nous avons parfois à éduquer les parents. Les notions ainsi abordées peuvent aller du respect des droits des enfants et des adolescent.e.s jusqu’aux différences fondées sur les styles d’apprentissage, l’origine ethnique, la culture, l’orientation sexuelle et l’identité de genre et l’équité pour les filles et les femmes.

Il est difficile et délicat d’entamer une conversation au sujet des valeurs, parce que nous y sommes tous attachés émotionnellement et intellectuellement. Partant de ce fait, nous pouvons reconnaître les valeurs des parents et ce en quoi elles diffèrent des nôtres et de celles de l’école. Nous pouvons examiner ces différences en toute neutralité, en centrant la conversation sur leurs effets sur l’élève. Il ne s’agit pas d’essayer de changer les parents. Notre but vise à trouver des façons de travailler en harmonie afin d’éviter de déstabiliser l’élève ou de lui créer des obstacles.

Les mots pour le dire

« D’après ce que j’entends, vous pensez que votre enfant apprendra à cesser toute intimidation pour éviter une interdiction de sortie. Ai-je bien compris? Il semble que nous ayons le même objectif – c’est-à-dire que, de part et d’autre, nous voulons mettre un terme à l’intimidation. Je me demande comment – à la maison – vous pourriez appuyer les conséquences prescrites par l’école pour votre enfant en réponse à son comportement? Il recevrait ainsi le même message général aux deux endroits. »

Les conversations au sujet des différences de valeurs dans le but de prendre la défense des élèves diffèrent fondamentalement d’une interaction visant la cessation de l’iniquité et de la haine. Quand des parents ont une attitude ou formulent des points de vue empreints de haine à l’égard de certains groupes sociaux, il importe de les dénoncer en les remettant en cause et en nommant explicitement ce genre d’attitude. (Voir Mettre un terme à l’iniquité.) Et quand l’attitude et les valeurs des parents se manifestent en comportements, en gestes ou en paroles qui menacent la sécurité et le bien-être de nos élèves, alors nous avons une responsabilité vis-à-vis de la loi d’en faire rapport à la société d’aide à l’enfance. (Voir Protection de l’enfant.)